Exposition

En ondes les instants

1 mars – 29 mars 2024

Vernissage le jeudi 29 février à 18h

AN Xiaotong| Julie NAVARRO|SHI Qi

Curateur : Joseph CUI 

L’exposition « En ondes les instants » présente trois artistes, à savoir An Xiaotong, Julie Navarro et Shi Qi. Le titre, qui s’inspire d’un vers d’un poème de François Cheng, rapproche ces trois trajectoires et positions artistiques différentes :

De quelle nuit es-tu venue ?
De quel jour? Soudain tu es
Au coeur de tout. Les lilas
Ont frémi ; le mot est dit.
Tout prend sens, tout se découvre 
Don. Dès lors, tout se transmue : 
Le ciel-terre en chair aimante, 
En ondes sans fin les instants. [1]

Les œuvres de l’exposition abordent ainsi la question de la transmutation. En alchimie, la transmutation désignait la possibilité de transformer une substance en une autre, voire un élément en un autre. Ici il s’agit de la transmutation des matériaux, des formes et des figures, des positions et des perspectives, pour toucher à la possibilité d’un dialogue sans entrave et détaché entre l’individu et la réalité. 

An Xiaotong (né en 1971 à Xi’an) présente une série de collages à l’encre sur papier de riz. Les couches superposées de papiers noirs, gris et dorés rappellent les paysages traditionnels chinois, mais renvoient aussi à l’aspect de transmutation : les surfaces semblent en mouvement constant ; l’image finale n’est qu’un aperçu instantané d’une réalité intangible. Entre pouces carrés, une vidéo créée par An en 2008, aborde de la même manière la relation entre l’individu et la réalité. Dans cette vidéo, les danseurs explorent un espace désigné comme cyber-espace par de grands dessins de circuits électriques. Les mouvements des danseurs symbolisent le fonctionnement du cerveau qui, dans le monde virtuel, s’affranchit des contraintes physiques et permet à l’individu de dépasser une perception conventionnelle de la réalité.

An Xiaotong est diplômée de l’Université des Beaux-Arts du Shandong (1992) et de l’Académie Centrale des Beaux-Arts de Pékin (1999). Elle vit et travaille à Paris depuis 2002.

Julie Navarro (née en 1972 à Paris) expose une série de peintures réalisées lors d’une résidence près du Lac de l’Ouest à Hangzhou en 2023[2]. Comme le précise l’artiste, l’élément de l’eau est omniprésent dans l’ensemble des techniques acryliques et textile par ses peintures dont le langage formel est extrêmement réduit, presque laconique. Traces d’eau, traits de pinceau et couleurs traduisent les impressions de l’artiste et son sentiment d’immersion dans le paysage chinois emblématique du Lac de l’Ouest. Lumière, énergie, métamorphose des matières, geste et mouvement sont les maîtres mots de l’œuvre de Julie Navarro. Ses œuvres sont contextuelles et cherchent à établir un dialogue avec des situations et des lieux, ainsi qu’à révéler des relations inaperçues. La force de l’artiste réside dans sa capacité à se retirer de ce processus et à laisser les éléments formels et les matériaux même générer quasi naturellement des relations poétiques et oniriques.

Julie Navarro a obtenu des diplômes en Economie et en Histoire de l’art. Elle a récemment été lauréate du programme du CNAP d’œuvres à protocole activable (2023) avec son œuvre Silver Ball, et finaliste des prix COAL et Talents Contemporains / Fondation Schneider. Elle expose en France et à l’étranger.

Shi Qi (né en 1978 à Wenzhou) cherche également à révéler les relations poétiques. Les œuvres exposées appartiennent à différentes séries. « Traces des Jours » (à partir de 2020), sont des peintures tridimensionnelles créées à partir de papier de riz que l’artiste a peint avec de l’encre ou de la couleur. Le papier peint est ensuite pliée et marouflée sur toile. Les formes représentées rappellent des fragments calligraphiques ou picturaux. Ces objets pliés, semblables à des livres, représentent une sorte de journal, et le mouvement, le rythme et les couleurs traduisent l’ambiance d’un moment ou l’atmosphère d’une situation. Les dessins à l’encre et les acryliques de Shi Qi s’inspirent également d’expériences quotidiennes. Dans ces dessins intimes, elle utilise la répétition de figures et de motifs non seulement pour se familiariser avec un certain sujet et un certain processus, mais aussi pour se libérer de toutes sortes de contraintes. Peintes d’un geste immédiat et laconique, les œuvres parlent de la recherche d’une expression libre et détachée. De plus, à l’instar d’une litanie ou d’une prière bouddhiste, la répétition vise la transcendance.

Après avoir étudié au département de peinture expérimentale de l’Académie chinoise des Beaux-Arts de Hangzhou (1997-2001), Shi Qi s’installe en France en 2002, où elle poursuit une formation en nouveaux médias et vidéo à l’École des Beaux-Arts de Paris-Cergy. (2002-2005). 

Texte de Martina Köppel-Yang

[1] François Cheng, La vraie gloire est ici, Gallimard, 2015, p.131

[2] Résidence de peintures à Hangzhou (Chine) sous le commissariat de Liu Xiao et Yu Xuhong, avec le soutien de LIUSA WANG 

Martina Köppel-Yang

Martina Köppel-Yang est sinologue, historienne de l’art et curatrice. Elle travaille dans le domaine de l’art contemporain chinois depuis le milieu des années 1980. Sa recherche se concentre sur les stratégies artistiques et la politique culturelle de la Chine. Sa monographie Semiotic Warfare – The Chinese Avant-garde 1979 – 1989, a Semiotic Analysis (Hong Kong : timezone8, 2003) est un ouvrage de référence sur l’art chinois des années 1980. 

Joseph CUI

Joseph Cui, directeur de l’espace temps, curateur et chercheur. Arrivé en 2002 à Paris, il est diplômé en théologie et en philosophie de l’Ecole des Bernardins et en littérature comparée à la Sorbonne Nouvelle. En tant que chercheur, son domaine d’étude comprend un siècle d’artistes chinois en France, du début du 20ème siècle, jusqu’à la génération actuelle. Proche de François Cheng, il commence à constituer l’archive des artistes chinois en France et tente une analyse du phénomène transculturel de leurs créations artistiques.